Pour avoir une idée de la façon dont les anarchistes et autres rebelles ont réagi face à la pandémie COVID-19 et face aux coups de force autoritaires qui l’accompagnent, nous avons rassemblé des photos d’affiches, d’autocollants et de graffitis provenant d’Autriche, du Brésil, du Chili, de France, d’Allemagne, de Grèce, du Mexique, de Slovénie, d’Espagne et des États-Unis. Nous les présentons ici accompagnées de traductions et d’annotations. Parcoure l’article pour t’inspirer et trouver de nouveaux slogans et images que tu pourrais adapter en fonction du contexte dans lequel tu te trouves.
En vidant les rues, la pandémie a rendu chaque ville un peu plus semblable à Pripyat, la ville fantôme ukrainienne située à côté de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Pripyat a longtemps été une destination pour les graffeur·euse·s qui profitent des rues vides pour créer de vastes fresques murales. De même, ces deux derniers mois, nous avons vu des artistes audacieux·euses défier les couvre-feux pour décorer les murs de leurs villes, permettant ainsi de ré-enchanter le monde physique à un moment où beaucoup d’entre nous sont plongé·e·s dans la réalité virtuelle à faible bande passante de nos téléphones portables. Puissions-nous tou·te·s suivre leur exemple.
« La répression, la propagande, les interdictions et l’enfermement ne sont pas des médicaments. Ce sont les solutions que l’État propose à chaque “ennemi”. »
-un autocollant anarchiste critiquant la réponse apportée par l’État à la pandémie en Grèce.
Bien entendu, il va sans dire que nous nions la légitimité des gouvernements et des récits coloniaux de tous les pays énumérés ci-dessous. Nous utilisons cette taxonomie uniquement pour identifier les divers contextes au sein desquels les gens agissent et pour noter les différentes analyses et les priorités qui se dégagent pour répondre à ces situations.
Autriche
En plus du collectif défendant la grève des loyers à Salzbourg, il existe maintenant un groupe similaire en Suisse.
Brésil
Nous ne reviendrons pas à la normalité – la normalité est le problème.
Destruction des écosystèmes, déforestation, pesticides, maladies. Depuis des siècles, l’exploitation effrénée des hommes et de la planète a provoqué la multiplication de nouvelles épidémies, de pandémies et de catastrophes. Malgré les preuves, les gouvernements liés aux intérêts privés des multinationales n’ont jamais rien fait et ne feront jamais rien pour changer cela. Notre force réside dans nos actions.
Débarrassons-nous du capitalisme avant qu’il ne nous détruise.
Le Brésil va s’arrêter.
Pour les 40 millions de travailleur·euse·s sans droits, sans papiers, ni sécurité,
le Brésil va s’arrêter.
Pour les vendeur·euse·s de rue, les petit·e·s commerçant·e·s et les enseignant·e·s non rémunéré·e·s,
pour les employé·e·s de nettoyage qui travaillent encore alors qu’ils et elles devraient être à la maison
ou pour celles et ceux qui sont chez elleux sans être payé·e·s, le Brésil va s’arrêter.
Pour les 31 millions de personnes qui n’ont pas l’eau courante dans le pays,
pour toutes les personnes qui squattent ou vivent dans les favelas, soumises à des inondations et des glissements de terrain,
pour les personnes menacées d’expulsion, incapables de payer leur loyer, le Brésil va s’arrêter.
Pour tou·te·s celles et ceux qui sont en prison et leurs familles,
pour tou·te·s les travailleur·euse·s du sexe, exploité·e·s à deux reprises,
pour toutes les personnes menacées de licenciement, pour tou·te·s celles et ceux qui vivent dans la rue,
le Brésil va s’arrêter.
Pour les millions de travailleur·euse·s salarié·e·s et leurs familles,
pour les jeunes sans espoir d’emploi ou d’avenir,
le Brésil va s’arrêter.
Pour les professionnel·le·s de santé qui prennent des risques en première ligne afin de freiner la pandémie,
pour tou·te·s les employé·e·s qui refusent de couper l’eau ou l’électricité aux pauvres,
pour les éboueurs et celles et ceux qui fournissent des services essentiels
et qui n’ont pas hésité à travailler, même face à tous les risques actuels,
le Brésil va s’arrêter.
Et aux patrons qui peuvent rester chez eux et participer aux manifestations en voiture
alors que nous sommes celles et ceux qui devons prendre les transports en commun surchargés,
risquer nos vies et celles de nos familles,
et aux investisseurs qui continuent à faire du profit sur notre dos,
aux banques recevant plus d’un trillion de réals de fonds de sauvetage de la part de la Banque centrale,
à tou·te·s celles et ceux qui dépendent de l’exploitation des autres,
nous disons : le Brésil va s’arrêter.
Et à celles et ceux qui défendent les privilèges de l’élite,
alors que nous sommes humilié·e·s,
menacé·e·s par la répression policière et militaire lorsque nous osons nous organiser et nous rebeller,
et ce, afin de ne pas avoir à nous sacrifier une fois de plus pour le « bien de l’économie »
qui n’a jamais eu pour but de nous protéger, qui nous a toujours traité·e·s comme des objets jetables,
nous forçant à choisir entre la survie, des emplois de merde
ou encore de mourir en faisant la queue dans les hôpitaux
le Brésil va définitivement s’arrêter.
Restez chez vous ! Organisez-vous !
Gardez votre loyer et résistez aux expulsions !
Le gouvernement fédéral, c’est la politique de la mort.
Chili
Au Chili, la primera linea fait référence aux premières lignes de manifestant·e·s qui ont combattu la police lors d’affrontements hebdomadaires du 19 octobre 2019 – lorsque les manifestant·e·s ont brûlé et pillé Santiago – jusqu’à l’arrivée de la pandémie COVID-19 dans le pays. Depuis octobre, de nombreux·euses anarchistes chilien·ne·s ont exprimé leur étonnement devant la rapidité avec laquelle le combat militant contre les forces de police a été considéré comme légitime, la primera linea étant célébrée sur des t-shirts, par des célébrités de la pop culture, et même par des représentant·e·s du Congrès. Cependant, chaque victoire présente de nouveaux défis. Dépasser les débats sur la non-violence qui ont assiégé les anarchistes pendant des années n’a pas suffi à transmettre une vision anarchiste approfondie au grand public.
Par exemple, dans la vidéo ci-dessus, nous voyons brièvement un·e manifestant·e masqué·e de la primera linea qui invoque la nécessité de lutter physiquement contre la police tout en distribuant de la propagande électorale et en décrivant la primera linea comme étant l’ « armée du peuple », un concept qui, malgré toutes les nobles intentions, est taché du sang de millions de personnes. Comme le dit le journal anarchiste de langue espagnole Kalinov Most, « [la romantisation de la primera linea doit] être considérée avec une certaine prudence, étant donné la tendance à l’exaltation héroïque de certains rôles au sein du soulèvement qui peut conduire au fétichisme et aux mentalités militaristes. » Bien entendu, le ou la jeune rebelle de cette vidéo ne représente pas les opinions de tou·te·s celles et ceux qui s’identifient à la primera linea. Personne ne le peut – tout comme le black bloc, c’est une tactique anarchiste, pas une organisation ou une idéologie politique.
Ce qui est passionnant dans la validation de la primera linea est simplement le fait qu’elle met en relation des personnes qui, auparavant, n’avaient aucune expérience en terme de lutte contre l’oppression étatique avec des anarchistes et d’autres individus qui ont cette expérience. Au mieux, cela a permis à beaucoup de personnes de la primera linea de comprendre comment l’autorité structure notre société et de voir, comme le font les personnes de cette vidéo, comment la lutte contre la police dans les rues va de pair avec la lutte contre les moyens par lesquels le capitalisme appauvrit et rabaisse presque tous les aspects de notre vie quotidienne et de nos espaces publics.
France
Les photos suivantes sont tirées de la rue ou rien, un compte twitter collectant des messages politiques radicaux vus dans les rues de France.
Allemagne
Contre le virus du contrôle et de la peur.
Brisons les chaines, brisons l’isolement
Au nom de la protection de la santé, les gouvernements mettent en œuvre des mesures approuvées unilatéralement qui imposent de lourdes restrictions à la liberté individuelle. Avec le consentement tacite d’une population choquée et effrayée par les effets tragiques de la pandémie, un État policier de facto est imposé dans de nombreuses régions du monde. Comment définir autrement une société au sein de laquelle seul·e·s les hommes et femmes politiques et la police sont autorisé·e·s à se réunir et à prendre des décisions arbitraires concernant les déplacements des individus ? Une société dans laquelle les drones et les applications numériques sont utilisés pour contrôler et suivre les citoyen·ne·s et dans laquelle celles et ceux qui détiennent le pouvoir le font en se basant sur l’obéissance des gouverné·e·s.
C’est pourquoi, dans un moment aussi délicat pour la sauvegarde de notre liberté déjà limitée, nous devons répéter que nous ne serons jamais en sécurité dans une société qui réduit ses membres à un groupe d’individus atomisés. Si nous nous isolons dans nos foyers, comment aiderons-nous les plus faibles d’entre nous ? Celles et ceux qui n’ont pas de toit, celles et ceux qui sont exposé·e·s à des formes de violences au sein même de ces quatre murs qui sont censés les protéger de la pandémie. Comment allons-nous nous organiser et faire entendre notre voix ? Comment allons-nous nous rebeller ?
Par contraste et comme alternative à ce modèle de sécurité et de ségrégation, apportons une culture de solidarité, de soutien mutuel et d’organisation émanant de la base. Encourageons les groupes affinitaires dans nos maisons et nos quartiers. Vainquons la peur et la suspicion mutuelle et échangeons nos points de vue collectivement sur la façon de gérer le risque d’infection. Développons ensemble une culture où la sécurité est l’expression de débats partagés et d’efforts d’autodétermination au lieu d’une soumission irrationnelle et inconditionnelle à des mesures appliquées de manière unilatérale. Analysons les facteurs de risque, les vecteurs par lesquels les infections peuvent se propager, protégeons et aidons les plus faibles ou les plus exposé·e·s d’entre nous. Exerçons notre capacité collective à nous auto-organiser, à agir et à profiter de la vie !
Nous n’oublierons pas qui est réellement responsable de la catastrophe sanitaire et environnementale que nous subissons aujourd’hui ; qui a mené des politiques privilégiant le profit au nom du sacro-saint Capital tout en appauvrissant la Terre et en détruisant les écosystèmes, favorisant ainsi la naissance de nouveaux virus. Ce sont ces mêmes personnes qui s’approprient aujourd’hui l’autorité morale de nous dire ce que nous devons et ne devons pas faire. Le véritable danger est que nous ne soyons plus jamais libéré·e·s de la répression autoritaire de l’État !
Restons prudent·e·s – restons rebelles !
À noter également les efforts de coview.info en Allemagne : « Une initiative pour répondre à l’impact politique et social du COVID-19 et aux mesures liberticides qui l’accompagnent. »
https://twitter.com/161Schlotle/status/1254627932397547520
Grèce
On peut trouver un grand nombre de ces autocollants anarchistes grecs ici.
Italie
À noter également, l’existence d’une série d’affiches intitulée #RicordaiResponsabili, « Rappelle toi qui sont les responsables, » dont voici l’un des textes :
À l’extérieur, un mètre de distance – Dans les prisons italiennes, on dénombre une surpopulation carcérale de l’ordre de 10 299 personnes. Le 7 mars dernier, des émeutes ont éclaté dans 40 prisons italiennes. La raison de ces émeutes – outre une situation déjà exaspérante – est la suspension des visites, entrainant l’impossibilité de pouvoir discuter avec les membres de sa famille, et ce afin de réduire l’infection. Pourtant, les gardien·ne·s de prison continuent d’entrer et de sortir, infectant celles et ceux qui se trouvent à l’intérieur, comme cela s’est déjà produit dans une douzaine de prisons.
Ils et elles maintiennent les usines surpeuplées – Les décrets insistent sur la mise en quarantaine de la nation, mais ils obligent les travailleur·euse·s à continuer à réaliser des profits pour les propriétaires d’usines. C’est pourquoi de nombreux·euses travailleur·euse·s se sont mis·es en grève.
Ils et elles pointent du doigt les promenades – Qu’est-ce qui est le plus dangereux ? Une promenade en plein air avec les précautions d’usage… ou travailler dans les usines et les centres d’appels, dans un espace confiné et sans protection adéquate ?
Ils et elles remplissent les rues de militaires – Aujourd’hui, pour contrôler tou·te·s celles et ceux qui se déplacent sans « raison justifiée », mais à l’avenir, pour faire face aux troubles sociaux et aux manifestations qui se répandront au moment de la crise financière qui s’annonce. La militarisation et la surveillance maintiennent un état de peur, l’outil fondamental du contrôle social.
https://twitter.com/_savox/status/1250441756694343681
https://twitter.com/JigginoRuss/status/1243079400087867394
Mexique
Toutes ces affiches sur la pandémie, et bien d’autres encore, proviennent du prolifique studio d’arts visuels Gran Om.
Slovénie
D’autres photos de graffitis anarchistes en rapport avec la pandémie recouvrant les murs du quartier autonome et squatté de longue date de Metelkova, à Ljubljana, sont disponibles sur les pages facebook de Komunal.org et de infoshop. Les slogans comprennent entre autres : « Je suis resté chez moi et j’ai perdu ma maison », « Ils sont finis » (une référence à un slogan du soulèvement de 2012-2013), « Nous ne sommes pas tou·te·s les mêmes – la personne pauvre ne restera en vie que tant que le système pourra l’exploiter », et une expression d’une simplicité désarmante : « Je ne me sens vraiment pas à l’aise. »
Espagne
Dans ce charmant guide, le syndicat anarchiste de longue date CNT encourage les travailleur·euse·s à « se laver les mains sans éteindre la flamme de la révolte. » Pour ce faire, les travailleur·euse·s sont appelé·e·s à se laver les mains pendant toute la durée de la chanson classique de la guerre civile espagnole, « A Las Barricadas » :
https://twitter.com/cntsindikatua/status/1238770787676499968?s=21
L’entraide :
https://twitter.com/el_lokal/status/1244337135546765313
Grève des loyers, Catalogne :
https://twitter.com/el_lokal/status/1249409792092839943
Un appel à la grève des loyers de la part de la fédération anarchiste des Îles Canaries :
https://twitter.com/fagc_anarquista/status/1242056078675906562